Des loisirs autrefois associés aux grands-mères gagnent en popularité chez les jeunes

MONTRÉAL — Tricot, crochet, broderie: des loisirs que vous associez peut-être à vos grands-mères gagnent en popularité chez les milléniaux et les membres de la génération Z. Les réseaux sociaux regorgent de vidéos mettant en vedette ce type de créations, alors que l’aspect «fait main» et apaisant de ces loisirs attire les jeunes. 

Catherine Gamache-Boucher, 24 ans, ne passe pas une journée sans faire du crochet depuis un an. Sur sa page Instagram, qui compte plus de 3000 abonnés, elle partage ses créations de peluches faites en crochet. 

«Il y a une communauté sur Instagram qui est tellement bienveillante, raconte-t-elle. On s’encourage beaucoup là-dedans.»

Catherine a d’ailleurs récemment partagé ses premiers patrons sur ses réseaux sociaux, qu’elle offre gratuitement. La jeune femme a commencé à faire du crochet l’année dernière, après avoir reçu en cadeau un ensemble pour apprendre ce loisir. Quelques mois plus tard, elle a lancé son compte de crochet sur Instagram. 

«Je me suis dit que ça allait me motiver à faire des toutous. J’étais vraiment fière de mes premiers toutous», dit-elle. 

Un an plus tard, Catherine a toujours la même passion pour le crochet. «Ça me calme vraiment, et il n’y a pas une journée que je passe sans faire du crochet depuis un an. J’en fais tous les jours, ça fait partie de mon quotidien, et je ne pourrais pas, disons, écouter la télé sans avoir ma petite balle de laine à côté de moi et mon crochet», explique-t-elle. 

Léa Choquette a pour sa part commencé à faire du crochet cet été. «J’ai vu longtemps ma grand-mère faire du tricot, elle fait des longs foulards en tricot et je trouve ça tellement beau. Donc, ça m’a inspiré à commencer le crochet. Le tricot ça me semblait un peu compliqué, le crochet c’était plus accessible», raconte la femme de 23 ans. 

Elle a appris ce loisir grâce à des tutoriels disponibles sur le web, mais aussi grâce à l’expertise de sa grand-mère. 

«Elle était contente qu’on puisse faire ça, elle veut tout le temps voir le résultat final, voir ce que j’ai fait. Elle trouve tout le temps ça beau», dit-elle. 

Léa estime que le crochet renferme un aspect «un peu méditatif». «Ce que j’aime vraiment, c’est que je ne pense à rien quand je fais ça, du crochet, puis que j’écoute mon petit tutoriel. Il faut vraiment se concentrer pour le faire, surtout quand c’est un nouveau patron et qu’il faut apprendre le patron et s’en rappeler et ne pas manquer de maille», explique-t-elle. 

Léa et Catherine ne sont pas les seules à aimer ce loisir. Sur Tik Tok, des dizaines de pages d’influenceurs qui partagent leurs créations en tricot, en crochet ou en broderie, comptent des milliers d’abonnés. 

Fanny Lalonde, propriétaire du magasin La Bobineuse, qui vend notamment du matériel de tricot, perçoit d’ailleurs les tendances véhiculées sur les réseaux sociaux dans sa boutique située sur le Plateau-Mont-Royal, à Montréal. 

«Les modes vestimentaires et les modes des réseaux sociaux, sans contredit, vont influencer, déclare-t-elle. Cet été on a eu beaucoup de jeunes filles qui voulaient se faire des tops crochetés.»

L’année dernière, c’était les chandails de laine surdimensionnés qui avaient la cote, indique Mme Lalonde. 

Contrairement à la croyance populaire, les personnes âgées de 20 à 45 ans constituent la majorité de sa clientèle.

«Ça fait 7 ans que je suis propriétaire de la boutique, puis on a toujours eu une grosse portion de notre clientèle qui n’était pas des personnes âgées, je dirais même que les personnes à qui on associe traditionnellement le tricot, ce n’est pas notre clientèle principale», explique-t-elle. 

«On a beaucoup d’enfants aussi qui tricotent. Dans le quartier, on a des enseignantes, des éducatrices en service de garde qui tricotent avec les enfants à l’école, on a beaucoup d’enfants d’âge primaire, secondaire, qui tricotent aussi, c’est très varié», a-t-elle ajouté. 

Mme Lalonde souligne que ses clients apprécient particulièrement le tricot pour l’aspect «fait soi-même» de façon personnalisée, ainsi que le sentiment de détente qu’apporte ce loisir. 

Des loisirs qui ne datent pas d’hier

Yolande Cohen, professeure au département d’histoire de l’Université du Québec à Montréal (UQAM), estime qu’il est intéressant de voir le retour de ces «loisirs utiles» chez les plus jeunes. 

La professeure souligne que ces passe-temps ne datent pas d’hier, faisant notamment partie de l’héritage des Cercles de fermières, qui ont été populaires autant dans les milieux ruraux que dans les petites villes. 

«Depuis le début du 20e siècle, les Cercles de fermières ont eu beaucoup de succès auprès des femmes qui arrivaient dans ces villages, la plupart du temps en suivant leur mari, ne connaissaient personne, et (pour qui ils) sont devenus des cercles de sociabilité très importants où on tissait, on faisait du tricot ensemble, et on mettait des choses en conserve. Donc, il y avait un système d’échange non seulement d’informations et de savoirs, mais aussi de produits locaux», explique-t-elle. 

En plus de briser l’isolement, ces loisirs permettaient d’améliorer la qualité de vie des familles à l’époque. 

«L’économie domestique, ce n’était pas pour rien qu’on l’appelait comme ça, ça complétait vraiment de manière importante le bien-être familial. Le salaire de l’homme de la maison n’étant jamais suffisant pour combler tous les besoins, les femmes et même les enfants allaient travailler dans le potager pour faire pousser des légumes, etc., mettaient en conserves à peu près tout pour pouvoir passer l’hiver», indique Mme Cohen.