Deux greffés au grand cœur redonnent aux suivants en s’impliquant activement

MONTRÉAL — Du haut de ses 31 ans et malgré le fait qu’il soit co-porte-parole de la Maison des greffés Lina Cyr, Marc-André Parent est le «bébé» du Défi-vélo que la Maison organise chaque année.

C’est l’autre co-porte-parole lui-même qui le dit. Patrice Dionne, contrairement à son collègue débutant, en sera à sa 18e participation à l’événement phare de cet organisme, qui se déroulera cette année les 12 et 13 juillet.

M. Parent n’était même pas de ce monde lorsque M. Dionne, aujourd’hui âgé de 72 ans, a appris qu’il souffrait d’une maladie cardiaque congénitale depuis sa naissance. Mais ce n’est qu’à 50 ans qu’il a reçu son terrible diagnostic: une greffe était nécessaire.

Pendant sa longue attente, qui a duré quatre ans, un autre organe a été atteint. «Ça m’a amené des problèmes au niveau du foie. On m’a diagnostiqué une cirrhose du foie cardiaque. Il ne me restait plus que six mois à vivre. Les deux organes étaient finis, mais c’était impossible de faire les deux greffes en même temps», a-t-il indiqué en entrevue à La Presse Canadienne.

Peut-être pas impossible finalement… L’Hôpital Royal Victoria, qui est le seul établissement au Québec spécialisé dans les greffes de ces deux organes vitaux – mais jamais sur la même personne – lui a offert de faire de lui son cobaye. M. Dionne a sauté sur cette occasion inespérée, si bien qu’il est devenu, le 14 avril 2006, le premier patient de la province à recevoir une double transplantation du cœur et du foie, une opération pour le moins risquée.

S’il s’implique toujours activement auprès de la Maison des greffés 18 ans plus tard, c’est parce que cet endroit lui a «permis de tenir le coup» dans le processus d’attente de ses deux greffes. Comme l’Hôpital Royal Victoria est situé à Montréal, on lui a demandé de quitter la Beauce et de déménager temporairement dans la métropole, car le coup de fil tant attendu peut arriver à tout moment et le temps presse en pareilles circonstances. D’où l’importance d’un tel organisme pour les gens habitant à l’extérieur de la région montréalaise.

«Je n’ai pas de famille à Montréal, alors j’ai fait des recherches pour me trouver un appartement, mais je commençais à manquer de force, je ne me sentais pas capable de me débrouiller tout seul. Mon médecin traitant à Québec m’a référé à la Maison des greffés Lina Cyr. Elle est aussi une greffée du foie, comme moi. Elle est originaire de la Gaspésie et a tout vendu pour s’établir à Montréal. Elle a décidé d’ouvrir une place à prix modique pour aider les gens qui viennent des régions. Beaucoup de personnes ne peuvent pas abandonner leur famille ou n’ont pas les moyens. Elle a bien pris soin de moi. C’est ce qui m’a permis de tenir le coup.»

«Ça m’a donné le courage de continuer»

Là-bas, il a côtoyé des gens ayant vécu un parcours similaire, ce qui lui a donné «le courage de continuer».

«C’est un endroit extraordinaire. Tu vois des gens qui sont comme toi et qui attendent. Tu en vois aussi qui reviennent de leur greffe et qui pètent le feu. En six mois, j’ai vu une quinzaine de personnes qui allaient bien. Ça m’a donné le courage de continuer.»

L’une de ces personnes importantes est Serge Trépanier, un greffé du foie. Les deux hommes, que Mme Cyr appelait affectueusement «ses petits gars», se sont liés d’amitié et ont décidé en 2007 d’organiser une randonnée entre Montréal et Québec pour récolter des fonds pour aider à financer les activités et les opérations quotidiennes de la Maison des greffés. Cette initiative est devenue une tradition annuelle.

«On a commencé avec 45 personnes de nos entourages. Au fil des ans, on a amassé 1,5 million $», se réjouit M. Dionne. Il s’agit de la source principale de financement de l’organisme.

Pour cette 18e édition, l’objectif a été fixé à 150 000 $. Deux options de parcours s’offrent aux participants: un de deux jours où les cyclistes pédaleront en groupe sur une distance de 300 kilomètres à partir de Beloeil jusqu’à Lévis, et un d’une journée entre Victoriaville et Lévis (140 km).

Selon Micheline Cyr Asselin, la fille de Mme Cyr, qui a pris la relève à titre de directrice générale de la Maison, «chaque coup de pédale soutient l’espoir et la vie». «Ensemble, nous travaillons à façonner un avenir où chaque personne en attente ou ayant reçu un don d’organe trouve refuge et soutien à la Maison des greffés Lina Cyr. C’est une ressource inestimable», soutient-elle.

«C’est un miracle de la vie et de la médecine»

Parlant de relève, Marc-André Parent poursuit les efforts de sensibilisation de M. Dionne envers le don d’organes.

Le nouveau co-porte-parole en sera à une première participation, mais assure que ce n’est que le début. «J’aimerais faire ça jusqu’à 70 ans moi aussi!»

Comme M. Dionne, il a reçu une greffe de cœur. Trois années se sont écoulées depuis. Aujourd’hui âgé de 31 ans et père de deux jeunes garçons, c’était tout naturel pour lui de redonner à la Maison des greffés, qui l’a si bien accueilli en 2021.

«Je n’aurais pas pu rêver à un meilleur endroit. On se sent comme une grande famille là-bas. J’étais voué à la mort, mais j’ai été béni. C’est un miracle de la vie et de la médecine. Après une opération comme celle-là, on se dit qu’on doit redonner aux autres. C’est naturel.»

L’opération a tellement été une réussite qu’il a gravi le mont Richardson, le quatrième plus haut sommet du Québec (1180 mètres), seulement huit semaines après sa greffe.

«C’est une nouvelle vie. Ç’a changé du tout au tout: il y a eu un avant et un après. Je n’ai pas l’impression d’avoir un cœur transplanté.»

Avec cet exploit, on le croit facilement sur parole! Gageons que cet ingénieur hyperactif figurera parmi les premiers participants à franchir la ligne d’arrivée au Défi-vélo.