Jolin-Barrette s’en prend à la gestion de la Cour du Québec

SAGUENAY, Qc — Le ministre de la Justice, Simon Jolin-Barrette, blâme la Cour du Québec pour l’explosion des délais et les arrêts de procédures dans certaines régions.

Pas moins de 126 causes criminelles ont été abandonnées en Abitibi-Témiscamingue et au Nunavik en raison des délais trop longs, selon ce que rapportait La Presse. Et cette liste d’arrêts de procédures risque de s’allonger, a déploré le ministre, qui n’en est pas à ses premiers affrontements avec la magistrature.

Depuis l’arrêt Jordan, rappelons que le délai maximal avant la tenue d’un procès est de 18 mois, après quoi l’accusé peut demander un arrêt des procédures au motif de délais déraisonnables. 

Le juge coordonnateur a choisi dans les régions touchées de diminuer considérablement le nombre de jours d’audiences par rapport à l’an dernier, au bénéfice de jours de délibérations, ce que dénonce M. Jolin-Barrette.

«Ma première pensée est pour les victimes, ça ne fait pas du tout mon affaire et je ne suis pas content», a-t-il déclaré en mêlée de presse jeudi à Saguenay, où se tient le caucus des élus de la CAQ pour préparer la rentrée parlementaire. 

M. Jolin-Barrette a souligné qu’il avait «alerté» la Cour du Québec dès que les changements dans l’organisation des travaux du tribunal avaient été annoncés.

«Tout le monde avait dit qu’il allait y avoir des conséquences et présentement, c’est ce qu’on vit», a-t-il poursuivi, en ajoutant qu’il s’est activé auprès de tous les partenaires du système de justice pour que des solutions soient trouvées dès cet automne.

Il a rappelé qu’il avait pourtant pris soin d’augmenter le nombre de juges et les ressources à la Cour du Québec. Ainsi, en Abitibi, le contingent de juges est passé de 10 à 13. En outre, pour l’ensemble du Québec, une entente convenue au printemps portera le nombre de juges de 319 à 333. Il y a 10 ans, ils étaient 270.

En vertu du principe de la séparation des pouvoirs, le gouvernement ne peut s’ingérer dans la gestion des travaux de la Cour, mais le ministre a lancé un appel.

«Il revient à tous les partenaires, notamment la Cour du Québec, de prendre leurs responsabilités», a-t-il laissé entendre. Il a suggéré de dépêcher des juges des autres régions en renfort.

«C’est possible que dans l’organisation de la Cour du Québec, ils viennent prêter main-forte à leurs collègues de l’Abitibi s’il y a des juges qui sont en invalidité ou qui sont malades. (…) C’est un effort collectif, mais ce n’est pas le ministre qui fait le calendrier judiciaire.»

En raison de l’explosion des délais judiciaires, le Directeur des poursuites criminelles et pénales (DPCP) est forcé de prioriser les «dossiers plus importants» – notamment les cas impliquant les enfants, les agressions sexuelles et les violences conjugales – pour s’assurer qu’il n’y ait pas d’arrêts des procédures au motif de délais déraisonnables.    

Il doit en abandonner d’autres jugés moins importants qui vont donc se conclure sans procès, après des délais jugés déraisonnables. 

M. Jolin-Barrette possède de nombreux antécédents en matière de confrontations avec les juges.

Rappelons qu’en 2021, la juge en chef de la Cour du Québec, Lucie Rondeau, s’était opposée avec fermeté au projet du ministre de mettre sur pied des tribunaux spécialisés en matière de violence conjugale et sexuelle – projet qui a vu le jour depuis, même que M. Jolin-Barrette a annoncé deux nouveaux projets pilotes mercredi au Saguenay-Lac-Saint-Jean.

Le gouvernement a par ailleurs refusé d’entendre la juge Rondeau en commission parlementaire sur cet enjeu.

En outre, la juge en chef et le Conseil de la magistrature ont poursuivi le ministre parce qu’il a renoncé à l’exigence de bilinguisme dans des appels de candidatures pour des juges dans les districts de Montréal, Laval, Terrebonne, Joliette et Labelle. 

Aussi, en mai, la juge Rondeau avait manifesté son inquiétude concernant une «importante brèche» dans le processus de nomination des juges par le ministre. 

Il avait alors révélé qu’il avait contacté des employeurs de candidats au poste de juge pour faire des vérifications, ce qui pourrait s’apparenter à un bris de la confidentialité du processus.