La diplomatie a ses limites pour endiguer le conflit en Israël, selon des experts

OTTAWA — Des experts estiment que le Canada dispose d’options limitées dans son recours aux voies diplomatiques pour tenter d’empêcher que les affrontements en Israël et dans les territoires palestiniens ne dégénèrent en une guerre régionale plus importante.

«La plupart des gouvernements s’efforcent désormais de condamner les actions du Hamas et de souligner le droit d’Israël à se défendre», a déclaré Costanza Musu, professeure à l’Université d’Ottawa.

«Il sera difficile, très difficile, dans les prochains jours, lorsque nous verrons le nombre croissant de victimes du côté palestinien, de tracer la ligne entre ce soutien et l’inquiétude face à la catastrophe humanitaire imminente à Gaza», a-t-elle ajouté.

La ministre canadienne des Affaires étrangères, Mélanie Joly, a déclaré qu’elle était en contact avec ses homologues de la région, alors que les retombées des attaques-surprises du Hamas contre Israël samedi menacent d’engloutir plusieurs pays.

La branche armée du Hamas affirme avoir pris une centaine d’otages israéliens et menace d’en tuer un chaque fois que l’armée israélienne bombarde sans avertissement des cibles civiles dans la bande de Gaza. Le groupe du Jihad islamique palestinien, qui a participé à l’opération du Hamas samedi, affirme détenir 30 autres Israéliens.

Pendant ce temps, le groupe militant Hezbollah, au Liban voisin, a profité du chaos en affrontant les forces israéliennes le long de la frontière libano-israélienne, de l’autre côté du pays.

Le Hezbollah, soutenu par l’Iran, a félicité le Hamas pour ses attaques de samedi. Les combats ont alimenté les craintes que le groupe ne tente d’envahir Israël.

Mme Joly a déclaré qu’Israël a le droit de se défendre, mais qu’il doit respecter le droit international.

Les Nations unies ont averti mardi que le siège total de Gaza par Israël viole le droit international humanitaire, car il bloque l’accès aux éléments essentiels à la vie.

Influence limitée

Mme Musu, spécialisée dans le conflit israélo-palestinien, a noté que des pays comme l’Égypte et le Qatar ont proposé de servir de médiateurs dans les pourparlers entre Israël et le Hamas. Mais elle a fait valoir que ces gouvernements agissent en fonction de leurs propres intérêts géopolitiques, plutôt que de chercher à mettre fin à l’effusion de sang.

Le Canada a une influence limitée lorsqu’il s’agit d’atténuer le conflit, a-t-elle déclaré, ou d’empêcher qu’il ne s’étende à d’autres pays. Cela s’explique en partie par le fait qu’Ottawa est perçu comme un fervent partisan d’Israël.

La politique officielle du gouvernement canadien est de plaider en faveur d’une solution à deux États à ce conflit prolongé.

Pourtant, Mme Musu a noté que les gouvernements conservateurs et libéraux ont limité leurs critiques à l’égard du gouvernement israélien, même lorsque celui-ci agit à l’encontre de son objectif déclaré, en faisant des déclarations publiques moins critiques que celles d’autres pays, y compris les alliés européens.

Cela a été le cas, par exemple, en réponse à l’expansion des colonies par Israël en Cisjordanie, un territoire recherché par les Palestiniens pour un futur État.

Dans la bande de Gaza, depuis que le Hamas en a pris le contrôle en 2007, Israël et l’Égypte ont imposé un blocus, Israël fournissant une quantité limitée d’électricité au territoire et limitant fortement les entrées et sorties.

Faible poids du Canada au Moyen-Orient

Douglas Scott Proudfoot, le principal envoyé canadien auprès de l’Autorité palestinienne à Ramallah de 2016 à 2019, a déclaré qu’Ottawa n’est pas perçu comme un acteur sérieux au Moyen-Orient.

Il a expliqué que cela était dû en partie au fait que le Canada avait rompu le dialogue avec de nombreux opposants à Israël, notamment le Hamas, qu’Ottawa considère comme un groupe terroriste.

«La diplomatie ne consiste pas à parler avec les gens que l’on aime ; il s’agit de parler à ceux que l’on n’aime pas», a-t-il résumé.

M. Proudfoot a déclaré que le Canada fait de bons efforts humanitaires et finance des projets de dialogue qui sont importants pour jeter les bases de la paix. Il a ajouté que ce n’était pas une mauvaise idée que Mme Joly joigne par téléphone ses homologues et exhorte les pays à éviter de se laisser entraîner dans une guerre déstabilisatrice.

Mais il a ajouté qu’Ottawa n’avait pas beaucoup d’influence sur Israël, le Hamas ou les pays du Moyen-Orient.

«Nous ne sommes qu’un partisan d’Israël, a-t-il déclaré. Parce que nous n’avons aucune crédibilité auprès de l’autre partie, nous ne pouvons pas vraiment faire quoi que ce soit qui puisse aider qui que ce soit, sauf en marge.»

Le NPD a appelé le Canada à renforcer son soutien au droit international en aidant la Cour pénale internationale et la Cour internationale de Justice «à enquêter sur les crimes de guerre commis par tous les acteurs militaires en Israël-Palestine».

En juillet, Ottawa a demandé à la CIJ de ne pas donner d’avis consultatif sur la légalité de l’occupation des territoires palestiniens par Israël, malgré une motion de l’Assemblée générale des Nations unies demandant un avis juridique.

Ottawa a fait valoir que cette décision saperait les tentatives visant à amener Israéliens et Palestiniens à négocier directement une paix durable.

Le pire à venir

Les pays soutenant Israël, comme le Canada, seront bientôt confrontés à une situation désastreuse à Gaza, a prévenu Mme Musu.

Israël exhorte les gens à quitter le territoire, mais sa frontière est bouclée et l’Égypte restreint fortement sa propre frontière avec le territoire. L’ONU rapporte qu’au moins 200 000 habitants ont été déplacés de leurs foyers.

«On pourrait dire que les habitants de Gaza sont effectivement piégés à l’intérieur, a déclaré Mme Musu. Dans les prochains jours, nous serons témoins de la tragédie qui se déroulera à Gaza.»

L’organisation humanitaire Save the Children appelle tous les acteurs de la région à cesser les combats, même à intervalles provisoires, afin que les civils puissent recevoir des médicaments et de la nourriture de première nécessité.

Le directeur du groupe pour les territoires palestiniens, Jason Lee, a déclaré que les enfants en Israël et à Gaza sont traumatisés après avoir été témoins d’explosions et de tirs d’artillerie, et qu’ils ne peuvent pas digérer ces souvenirs s’ils se cachent continuellement pour se protéger des frappes aériennes.

«Afin de protéger tous les enfants, nous devons mettre un terme à ce cycle sans fin de violence», a plaidé M. Lee.

Il a souligné qu’il est contraire au droit international que le Hamas retienne en otage des enfants israéliens et qu’Israël empêche les travailleurs humanitaires de fournir aux civils de Gaza les produits essentiels à la vie.

M. Lee a déclaré mardi aux journalistes depuis Jérusalem qu’il est clair qu’une «catastrophe humanitaire» se profile, à une échelle à laquelle personne n’est suffisamment préparé pour faire face.

«Les événements qui se sont déroulés au cours des quatre derniers jours sont horribles. Mais ma crainte est de savoir ce qui va arriver, a-t-il déclaré. Les droits des enfants s’appliquent à tous les enfants.»

– Avec des informations de l’Associated Press