La FIQ craint que Québec exige plus de flexibilité et de polyvalence des infirmières

MONTRÉAL — La FIQ craint que Québec aille jusqu’à contraindre les infirmières à changer d’établissement, d’unité de soins et même de quart de travail, sur demande, pour combler les manques de personnel, peu importe leur expertise et leurs années d’expérience.

La Fédération interprofessionnelle de la santé, qui représente 80 000 infirmières, infirmières auxiliaires, inhalothérapeutes et perfusionnistes cliniques, exprime cette crainte à l’issue de plusieurs séances de négociations pour le renouvellement des conventions collectives avec Québec.

«Ce sont les signaux à la table de négociation. Ils reviennent de façon continuelle avec ça. C’est méprisant et ça montre qu’ils ne connaissent pas le travail d’une infirmière», a déploré en entrevue Jérôme Rousseau, vice-président de la FIQ et coresponsable de la négociation.

La FIQ soupçonne Québec de vouloir aller plus loin en matière de flexibilité dans les horaires et dans les lieux de travail, ainsi qu’en matière de polyvalence attendue des infirmières.

«Ce que le gouvernement veut faire, c’est prendre, par exemple, une infirmière qui travaille dans un CLSC depuis 15 ans et l’envoyer boucher un trou le lendemain en chirurgie», a illustré M. Rousseau.

«Si j’ai une jeune mère de famille qui a pris un poste de nuit et qui a organisé toute sa vie en fonction de ses enfants et de son quart de travail de nuit… Si du jour au lendemain on lui dit ‘non, toi, la semaine prochaine je te place de jour, sur tel département, à 75 kilomètres de chez vous’, ça va déstabiliser un peu la professionnelle en soins», a résumé M. Rousseau.

Québec a effectivement affirmé qu’il voulait revoir l’organisation du travail pour être plus efficace, mieux répondre aux besoins, aux priorités. Mais il n’a pas donné de précisions à savoir jusqu’où il voulait aller.

Pour M. Rousseau, déplacer ainsi les infirmières d’un établissement à l’autre, d’une unité de soins à l’autre, sans tenir compte de leur expertise, pour combler des besoins çà et là, sans qu’il y ait une situation exceptionnelle pour justifier un tel mouvement, équivaut à les traiter comme des pions interchangeables, «des bras».

«Il y a des risques (à faire ça)» tant pour le public que pour les professionnelles en soins, prévient M. Rousseau.

«Ça va accentuer le départ des gens du réseau, à cause de ces mauvaises conditions-là, et ça donne de mauvaises conditions de soins aussi. On n’est pas en mesure de bien soigner les patients, parce qu’on ne connaît pas la clientèle et les spécialités dans lesquelles on nous déplace», explique-t-il.

Sans compter, ajoute-t-il, que les collègues de travail ne sont pas les mêmes, l’équipement peut différer d’un établissement à l’autre et l’aménagement des lieux aussi.

Manif et le point sur les négos

La FIQ manifeste encore une fois, lundi à Québec sur l’heure du souper, insatisfaite qu’elle est des négociations pour le renouvellement des conventions collectives. Une de ses instances est d’ailleurs réunie, lundi et mardi, pour faire le point sur la négociation.

La FIQ a l’intention de prioriser ses demandes, d’en réduire le nombre — ce qu’elle avait déjà prévu de faire, avant que la présidente du Conseil du trésor, Sonia LeBel, demande de le faire à l’ensemble des syndicats des secteurs public et parapublic.

«On était déjà à revoir nos demandes», comme les syndicats le font toujours lors d’une longue négociation, a précisé M. Rousseau.