La Politique de défense du Canada est revue à nouveau, annonce le ministre Blair

OTTAWA, Kan. — Le ministre de la Défense, Bill Blair, a déclaré mercredi qu’il avait récemment demandé à son équipe de revoir la mise à jour de la Politique de défense du Canada, promise depuis longtemps par les libéraux, afin d’éclairer davantage l’industrie sur les plans de dépenses à long terme du gouvernement.

Annoncée au début de l’année dernière et prévue pour l’automne 2022, cette mise à jour très attendue et très retardée est censée présenter les objectifs à long terme du Canada pour ses forces armées, y compris les nouveaux équipements dont il pourrait avoir besoin de la part de l’industrie canadienne de l’armement.

Le gouvernement libéral a publié sa politique de défense actuelle en 2017, promettant des dizaines de milliards de dollars de nouveaux financements. Mais le monde a considérablement changé depuis.

«Alors que le monde devient de plus en plus difficile et exigeant, nous devons faire ces investissements», a déclaré M. Blair dans un discours prononcé mercredi, lors d’un sommet organisé cette semaine à Ottawa par l’Association des industries aérospatiales du Canada. 

M. Blair a indiqué que l’Association des industries aérospatiales l’avait aidé à réaliser «il y a quelques semaines» que les plans actuels du gouvernement ne répondraient pas adéquatement aux questions soulevées par les entreprises de défense.

Il a alors suggéré aux fonctionnaires que la nouvelle politique de défense du Canada devait aussi être une «politique de l’industrie».

M. Blair a déclaré qu’il avait rencontré des membres de l’entourage du premier ministre «plus tôt cette semaine» au sujet des nouveaux changements apportés à la mise à jour de la politique nationale de défense, initialement prévue pour l’automne dernier.

Le ministre a aussi déclaré qu’il prévoyait de s’asseoir bientôt avec des responsables au ministère des Finances, qui devraient publier bientôt le plan de dépenses global du gouvernement dans l’énoncé économique de l’automne.

«J’espère être en mesure de fournir cette clarté au cours des prochains mois, dans le cadre de l’énoncé économique (…) et afin que les ressources et la clarté soient présentes dans le budget de l’année prochaine», a dit M. Blair.

Attendue par l’industrie

David Perry, président du groupe de réflexion Canadian Global Affairs Institute, a déclaré mercredi qu’il était déconcerté par ce calendrier.

«J’ai eu un peu de mal à comprendre le calendrier de quelques mois pour discuter des choses (dans l’énoncé économique d’automne), car l’automne s’achève rapidement», a-t-il dit en entrevue.

M. Perry, qui est l’une des principales autorités canadiennes en matière de dépenses militaires, a affirmé que les libéraux avaient gardé le silence sur la mise à jour de la politique.

Cela a conduit certains à craindre que le gouvernement n’ait complètement mis de côté le projet, a-t-il dit.

Il a ajouté qu’il était logique que les entreprises de défense, la bureaucratie militaire et le gouvernement collaborent, étant donné que le secteur est fortement réglementé et que toutes les ventes doivent être approuvées par le gouvernement.

«Il ne s’agit pas d’une dynamique de marché libre. C’est une industrie qui est entièrement liée à l’activité gouvernementale», a mentionné M. Perry, qui a précisé que son institut organisait occasionnellement des événements commandités par des entreprises de défense. 

L’Association des industries canadiennes de défense et de sécurité, qui représente le secteur canadien de la défense, dont le chiffre d’affaires s’élève à plusieurs milliards de dollars, a salué «une approche plus globale» de la mise à jour de la politique.

«Compte tenu de l’état du monde aujourd’hui et du temps qu’il a fallu pour produire la version actuelle de la mise à jour de la politique, nous sommes impatients d’en discuter plus avant avec le ministre dès que possible», a écrit Christyn Cianfarani, présidente-directrice générale de l’association, dans un courriel mercredi.

Les libéraux ont pris le pouvoir en 2015, bien avant que la Russie ne commence son invasion à grande échelle de l’Ukraine, l’année dernière, et avant une escalade de l’activité militaire autour de la Chine. M. Blair a déclaré qu’avant ces événements, son gouvernement n’avait pas signalé à l’industrie qu’il aurait besoin de nouvelles technologies ou d’artillerie.

«Une partie du problème vient du fait que nous n’avons pas envoyé ce signal clair il y a plusieurs années. Par conséquent, l’industrie canadienne n’est pas toujours dans la meilleure position pour pouvoir réagir en temps opportun», a-t-il soutenu mercredi.

Dans un contexte de réductions budgétaires 

Le ministre Blair, qui a pris ses fonctions en juillet, a aussi déclaré qu’il travaillait conformément à la lettre de mandat que le premier ministre Justin Trudeau avait transmise en décembre 2021 à sa prédécesseure, Anita Anand.

«Je n’ai pas reçu de nouvelle lettre de mandat du premier ministre, mais franchement, le monde a beaucoup changé depuis que la ministre Anand a reçu la sienne», a-t-il expliqué.

Les alliés ont fait pression sur le Canada pour qu’il augmente ses dépenses globales en matière de défense.

Le Canada a signé l’été dernier un communiqué de l’OTAN stipulant que les membres de l’alliance militaire s’efforceraient de consacrer «au moins» 2% de leur PIB à la défense, dont un cinquième à l’achat d’équipements majeurs et à la recherche et au développement.

Le Canada a accepté cet objectif, mais n’a pas établi de plan pour l’atteindre, les dépenses actuelles se situant juste en dessous de 1,3 %.

Mme Anand est désormais à la tête du Conseil du Trésor et elle a ordonné à divers ministères de réduire leurs dépenses. M. Blair a déclaré qu’il faudrait peut-être réduire les voyages des dirigeants ou des consultants. 

Mais il a soutenu que Mme Anand avait été «parfaitement claire» sur le fait que sa demande de restrictions à la Défense ne devrait «avoir aucune incidence sur la capacité (des Forces armées canadiennes) ou sur le soutien que nous fournissons» aux militaires. 

M. Blair a laissé entendre qu’il travaillait avec des représentants du gouvernement pour trouver de nouveaux fonds afin de soutenir la mise à jour de la politique de défense du Canada.

«Je ne veux dénigrer personne, mais je pense que des gens aux Finances considèrent cela comme une sorte de liste d’épicerie, et ce n’est vraiment pas ce que devrait être la mise à jour de la politique de défense», a déclaré le ministre Blair.

«Il ne s’agit pas simplement d’une politique de défense nationale: c’est une politique industrielle nationale, une politique sur l’innovation, une politique sur les travailleurs. C’est une politique sur la sécurité économique et la prospérité dans ce pays. C’est une initiative de politique étrangère.»

Les commentaires de M. Blair font suite à un discours prononcé le 30 octobre par la ministre des Affaires étrangères, Mélanie Joly, dans lequel elle promettait que son gouvernement augmenterait les investissements dans l’armée dans le cadre de la mise à jour de la politique de défense du Canada.