Les banques alimentaires canadiennes font face à une demande accrue

VANCOUVER — Les banques alimentaires canadiennes font face à une demande croissante dans l’ensemble du pays. Le patron de l’une d’entre elles prévient que la situation pourrait même empirer rapidement.

Les hausses des prix de l’alimentation et du logement, combinées à des conditions précaires sur le marché de l’emploi, nourrissent cette forte demande qui oblige les banques alimentaires à vérifier l’état de leur inventaire. Plusieurs organisations entrent dans une période cruciale de financement.

Par exemple, au Québec, la demande pour l’aide alimentaire n’a connu aucune pause depuis plus d’un an, constate Martin Munger, directeur général de Les Banques alimentaires du Québec, un réseau de 32 organisations régionales qui assure un approvisionnement en denrées nutritives à 1200 organismes communautaires.

«À cause de la hausse des prix des denrées, la demande continue d’augmenter», dit M. Munger.

Neil Hetherington, le pdg de Daily Bread, un organisme de Toronto qui appuie plus de 200 programmes, reconnaît qu’il «s’agit de la plus difficile période de l’Action de grâces qu’il a connue».

Avant la pandémie de COVID-19, l’organisme recevait mensuellement 65 000 clients, raconte-t-il. Le mois dernier, ce chiffre s’élevait à 275 000.

Même situation à Vancouver, Cynthia Boulter, la pdg de la Banque alimentaire du Grand Vancouver, juge que la demande actuelle est «sans précédent». Il y a cinq ans, son organisme venait en aide à, en moyenne, de 6000 à 7000 personnes chaque mois. Aujourd’hui, ce nombre a grimpé à 17 000.

Selon des données de Banques alimentaires Canada, le pourcentage de personnes âgées venant demander de l’aide est passé de 6,8 pour cent en 2019 à 8,9 en 2022. Le tiers des utilisateurs est constitué d’enfants.

La demande est telle que les banques alimentaires et leurs fournisseurs peinent à suivre la cadence.

M. Munger dit que c’est le cas au Québec, malgré de nouvelles ententes avec les producteurs et les distributeurs, malgré une aide financière du gouvernement québécois.

«L’information que nous avons des banques alimentaires locales, c’est que la demande ne cesse pas de croître, que plusieurs personnes reviennent plus souvent. Le nombre de personnes utilisant les banques alimentaires n’a jamais été aussi élevé.»

Il plaide auprès de la population pour obtenir des dons financiers afin de pouvoir acheter plus de nourritures. «Nous avons besoin de l’aide de tout le monde».

M. Hetherington se dit affolé de constater que la demande atteint des sommets, malgré le faible taux de chômage au pays.

«C’est vraiment bouleversant!, lance-t-il. Selon moi, nous sommes comme les canaris dans une mine de charbon. Dès que l’on constate que certains indicateurs économiques ont des effets négatifs sur la capacité des gens à tirer des revenus de leur emploi, dès que l’on constate une hausse des taux d’intérêt ou des modifications aux modalités de remboursement de prêt, nous savons que les choses vont bientôt vraiment mal tourner.»

Mme Boulter mentionne que son organisation tente de tisser des liens avec des distributeurs alimentaires ou des fermiers pour obtenir des aliments frais.

«On a recours aux dons de nourriture de l’industrie, notamment pour les produits rejetés. Par exemple: des légumes jugés trop petits de quelques centimètres ou pas assez beaux, un pain qui est demeuré 20 secondes de trop au four. Des choses comme cela», dit-elle.

De plus en achetant en gros, les banques alimentaires peuvent «au moins doubler» la valeur des dons en argent.

M. Hetherington croit que les gens peuvent être se montrer utiles même s’ils ne peuvent rien donner.

«Ce n’est pas tout le monde qui peut donner des aliments ou de l’argent. Nous les comprenons. Mais tout le monde peut appeler un élu pour lui demander de mettre en place une stratégie de réduction de la pauvreté. Tous les ordres de gouvernement en ont une, mais on ne les accule pas au pied du mur, on ne les tient pas responsables.»