Les conservateurs réclament à nouveau la démission de Mendicino

OTTAWA — Les conservateurs sont revenus à la charge mercredi pour réclamer la démission du ministre de la Sécurité publique, Marco Mendicino, pour avoir «menti», cette fois sur le transfert du tueur en série Paul Bernardo vers un établissement carcéral à sécurité moyenne du Québec.

«Le ministre Mendicino a menti! Il a dit qu’il était choqué d’apprendre que Paul Bernardo a été déménagé d’une prison de sécurité maximum, mais on sait que son bureau a été informé trois mois en avant», a déclaré aux reporters le chef conservateur Pierre Poilievre en marge de la réunion hebdomadaire de son caucus.

Les développements de mercredi surviennent après que la CBC eut révélé que des employés du cabinet de M. Mendicino ont su avec près de trois mois de préavis que Bernardo serait transféré, mais n’en auraient informé le ministre qu’après que cela s’est produit.

Dans un courriel à La Presse Canadienne, le Service correctionnel du Canada dit avoir un protocole en place pour informer le bureau du ministre relativement aux délinquants notoires. L’organisme confirme avoir informé le bureau du ministre le 2 mars, puis à nouveau le 25 mai, soit quatre jours avant le transfert.

Durant la période des questions, M. Mendicino a déclaré avoir été informé le 30 mai que Paul Bernardo avait été transféré la veille dans un établissement de sécurité moyenne. «C’est une erreur dans mon bureau. Je vais prendre des actions concrètes», a-t-il soutenu.

«À présent, il sacrifie son personnel, lui a renvoyé le chef conservateur Pierre Poilievre. Si des membres de son personnel lui avaient vraiment caché cette énormité, il les aurait renvoyés il y a bien longtemps. Mais il ne l’a pas fait. Parce qu’il sait et ils savent qu’il savait à l’époque.»

M. Mendicino l’a immédiatement invité à «répéter cette allégation à l’extérieur de la Chambre». Il serait alors sujet à des poursuites judiciaires. Le chahut a alors poussé le président de la Chambre des communes à demander aux élus de prendre «une grande respiration».

Selon M. Mendicino, M. Poilievre induit les députés en erreur puisqu’il a «pris des mesures correctives à l’interne». Aussi, a-t-il mentionné, des instructions ministérielles seront transmises dans les prochaines heures de sorte que les familles des victimes soient désormais informées avant les transferts.

Lors d’un passage au Saguenay, le premier ministre Justin Trudeau a évité de dire si le ministre devait démissionner, mais a plutôt blâmé les «défis réels au niveau de la communication à l’intérieur de la fonction publique», notamment «quelle information se rend dans les bureaux de ministres et comment c’est présenté».

«C’est du travail qu’on est en train de faire déjà pour améliorer les lignes de communication et s’assurer que des informations importantes soient vues et agit dessus rapidement», a ajouté M. Trudeau.

«Culture de l’ignorance»

Tant le chef du Bloc québécois que celui du Nouveau Parti démocratique ont refusé de réclamer la démission du ministre Mendicino, et ce, même s’ils jugent qu’il y a un problème majeur d’imputabilité dans le gouvernement Trudeau.

Il y a une «culture de l’ignorance» dans laquelle les ministres répètent: «je ne le savais pas, on ne m’en a pas informé», a jugé le chef bloquiste Yves-François Blanchet, en mêlée de presse.

«L’imputabilité d’un ministre ne lui permet pas de dire qu’il ne savait pas quelque chose, a-t-il déclaré. Le ministre est responsable de ce qui se passe sous sa juridiction. Et le premier ministre est responsable de ce qui se passe dans son gouvernement et l’ignorance n’est pas une défense.»

L’enjeu d’une «culture» de ministres qui ne «lisent pas leurs courriels» est aussi revenu dans les propos de son homologue néo-démocrate Jagmeet Singh, ce qui lui fait croire que «destituer un ministre n’est pas la solution».

«La responsabilité revient au premier ministre», a-t-il tranché en l’accusant d’être celui «qui a instauré cette culture avec ses ministres». Or, M. Singh a refusé de dire s’il juge donc que M. Trudeau lui-même devrait démissionner.

Plus tôt ce mois-ci, l’ex-ministre de la Sécurité publique Bill Blair, qui est aujourd’hui ministre de la Protection civile, a imputé au Service canadien du renseignement de sécurité (SCRS) le fait qu’il n’ait pas reçu la note secrète de juillet 2021 concernant le député Michael Chong.

Le directeur du SCRS, David Vigneault, a contesté cela lorsqu’il a comparu devant un comité parlementaire mardi soir, tout en affirmant qu’il n’a «aucune raison de douter» que le ministre Blair n’avait pas vu la note.

Le premier rapport du rapporteur spécial David Johnston, qui a démissionné de son poste vendredi dernier, mentionnait que l’information n’était jamais parvenue au niveau politique.

Quoi qu’il en soit, «ce n’est pas la première fois» que M. Mendicino ment, a renchéri le chef conservateur mercredi, en présentant aux journalistes une «liste» d’occurrences, notamment lorsque le ministre a affirmé que c’était les policiers qui avaient demandé d’invoquer la Loi sur les mesures d’urgence pour déloger le «Convoi de la liberté».

C’est d’ailleurs pour cela que les conservateurs avaient réclamé sa tête une première fois, il y a un an jour pour jour, après l’avoir comparé à «Pinocchio».

Paul Bernardo purge présentement une peine d’emprisonnement à perpétuité pour l’enlèvement, la torture et le meurtre de Kristen French, 15 ans, et de Leslie Mahaffy, 14 ans, au début des années 1990 en Ontario.

Il a également été reconnu coupable d’homicide involontaire coupable en lien avec la mort de Tammy Homolka, 15 ans, qui est décédée après avoir été droguée et agressée sexuellement. Il a aussi admis avoir agressé sexuellement 14 autres femmes.

Le détenu était emprisonné à l’établissement à sécurité maximale de Millhaven, près de Kingston, en Ontario, mais il vient d’être transféré à l’établissement à sécurité moyenne de La Macaza, dans les Laurentides.

Les conservateurs réclament que le gouvernement fédéral force le Service correctionnel du Canada à transférer de nouveau l’homme de 58 ans vers une prison à sécurité maximale, mais M. Mendicino affirme qu’il ne peut annuler lui-même la décision et qu’il avait fait part de ses inquiétudes à la commissaire de l’institution.

– Avec des informations d’Émilie Bergeron