L’utilisation du français est en déclin chez les jeunes, selon un rapport de l’OQLF

MONTRÉAL — La scolarisation en français augmente, mais la part de la population qui connaît suffisamment cette langue pour soutenir une conversation diminue et les jeunes utilisent davantage l’anglais en ligne que leurs aînés, notamment pour communiquer à un plus grand auditoire.

Voilà quelques-uns des constats tirés du Rapport sur l’évolution de la situation linguistique au Québec, publié mercredi par l’Office québécois de la langue française.

Les jeunes utilisent l’anglais au travail et en ligne

Les personnes de 18 à 34 ans sont proportionnellement plus nombreuses que leurs aînés à maîtriser la langue anglaise et sont également plus nombreuses à l’utiliser.

Ainsi, le tiers des 18-34 ans affirment préférer travailler «à la fois en français et en anglais ou uniquement en anglais, ou n’ont tout simplement aucune préférence quant à leur langue de travail», selon le rapport.

Une majorité de la population québécoise de cette tranche d’âge utilise la langue anglaise dans la vie de tous les jours, par exemple pour échanger sur les réseaux sociaux, jouer à des jeux vidéo, écouter du contenu numérique ou encore faire des achats en ligne.

Selon l’OQLF, une majorité des 18 à 34 ans ont déclaré utiliser «aussi souvent le français que l’anglais ou principalement l’anglais pour publier sur les réseaux sociaux».

Plus précisément, environ 8 jeunes sur 10 publient du contenu sur les réseaux sociaux.

Parmi eux, 44 % publient principalement du contenu en français, mais 55 % d’entre eux publient «soit autant en français qu’en anglais, soit principalement en anglais».

Chez les jeunes francophones, 52 % publient principalement en français. Dans le cas des jeunes allophones, cette part représente 28 %.

Le rapport souligne que les discussions de groupe organisées dans le cadre de l’étude ont montré «qu’il est commun parmi les jeunes de considérer que l’utilisation de l’anglais dans les publications sur les réseaux sociaux permet une plus grande visibilité ou l’accès à un plus large public».

Le ministre de la Langue française, Jean-François Roberge, a dénoncé, en point de presse à Québec, «l’américanisation de la culture» par le biais des grandes entreprises qui exercent un contrôle sur ce qui est diffusé en ligne. Selon lui, «il faut changer ce que les grandes plateformes font avec leurs algorithmes», afin d’augmenter «la découverte des contenus francophones et québécois».

M. Roberge a ajouté que «le ministre de la Culture (Mathieu Lacombe) est tout prêt de déposer son projet de loi» qui permettra de «donner un bon coup de main» pour améliorer la place du contenu francophone sur les plateformes numériques.

Le français au travail est en baisse chez les jeunes

Le rapport souligne qu’il y a eu une diminution du nombre de travailleurs de 18 à 34 ans qui déclarent utiliser le français durant au moins 90 % de leur temps de travail, depuis une douzaine d’années. Cette part est passée de 64 % en 2010 à 58 % en 2023, selon le rapport de l’office qui souligne toutefois que cette baisse n’a pas été observée chez les travailleurs de 35 ans et plus.

«Le fait que le pourcentage de personnes travaillant au moins 90 % du temps en français ait été, en 2023, plus faible chez les jeunes (58 %) que chez l’ensemble des travailleuses et travailleurs (66 %) pourrait indiquer qu’il est possible, dans les années à venir, que le niveau d’utilisation du français au travail ne soit plus le même que celui observé en 2023», peut-on lire dans le rapport.

«Fractures générationnelles et régionales»

Les jeunes se démarquent également en utilisant moins le français que leurs aînés en dehors de la maison.

La part de personnes utilisant principalement le français à l’extérieur de la maison est de 74 % chez les 18-34 ans, comparativement à 79 % chez les 35 à 69 ans et 84 % chez les 70 ans et plus.

En ce qui concerne la langue parlée le plus souvent à la maison, le rapport souligne des différences importantes entre certaines régions de la province.

Dans la grande région de Montréal, les francophones représentent 66 % de la population, à Gatineau, ils sont 73 % et dans le reste de la province, 94 %.

«Il y a une fracture générationnelle, mais aussi une fracture régionale et il y a un troisième axe, c’est-à-dire qu’on sait qu’il y a une personne sur trois parmi les travailleurs étrangers temporaires, les demandeurs d’asile, qui ne sont même pas capables de soutenir une conversation en français. Donc, on voit qu’il y a trois enjeux en particulier», a commenté le ministre Roberge.

De façon générale, le ministre perçoit dans ce rapport un déclin de la langue française et promet de poser des actions pour y remédier.

«On va poser des gestes, on multiplie les initiatives tant qu’on n’aura pas arrêté le déclin. C’est aussi simple que ça. On n’arrêtera pas tant qu’on n’aura pas les résultats attendus», a-t-il mentionné.

Scolarisation en français

Le rapport souligne que la Charte de la langue française, une loi adoptée par l’Assemblée nationale du Québec en 1977, a permis de constater une hausse de la proportion des enfants qui sont scolarisés en français dans les dernières décennies.

Le taux de scolarisation en français a continué de croître au cours des dernières années et il a atteint 91,2 % en 2021, selon l’OQLF.

Toutefois, le rapport indique «qu’on observe un attrait grandissant, parmi les jeunes scolarisés en français au secondaire, à poursuivre leurs études en anglais plutôt qu’en français au collégial».

Sur l’île de Montréal, la part des jeunes nouvellement inscrits au collégial en anglais et qui ont étudié au secondaire en français est passée de 18 % à 25 % entre 2011 et 2021. Le rapport souligne qu’ailleurs au Québec, cette part est passée de 3,1 % à 5,5 %.

Autres constats

Le rapport indique aussi que la part de la population qui connaît suffisamment le français pour soutenir une conversation est passée de 95 % à 94 % de 2016 à 2021.

Également, la part des personnes immigrantes et des résidents non permanents qui travaillent principalement en français a augmenté, passant de 56 % en 2016 à 62 % en 2021.

L’étude révèle aussi qu’entre 2010 et 2023, «le taux d’accueil de la clientèle en français uniquement a diminué dans les commerces de l’île de Montréal, passant de 84,2 % à 71,0 %».

À Montréal, le taux d’accueil bilingue a augmenté, passant de 3,7 % à 11,9 %, de même que le taux d’accueil uniquement en anglais, qui est passé de 12,1 % à 17,1 %.