Plaidoyer pour que les infrastructures vertes soient «un projet de société»

MONTRÉAL — L’aménagement d’infrastructures végétalisées devrait être un «projet de société», selon Québec Vert qui lance vendredi une vaste consultation dans le but de déposer à l’Assemblée nationale un livre blanc sur le sujet.

Les infrastructures végétalisées, qui utilisent les plantes, les arbres, les arbustes, permettent non seulement d’atténuer les impacts des changements climatiques et de protéger la biodiversité, elles offrent aussi des solutions pour rendre les routes plus sécuritaires, améliorer la santé des populations et diminuer les dépenses des municipalités, selon Québec Vert, une fédération composée de 12 associations d’entreprises et de professionnels œuvrant en horticulture ornementale, nourricière et environnementale.

«Le végétal, c’est la matière première pour régler un paquet de choses» et «on veut entendre les scientifiques, les groupes d’accompagnement de transfert d’informations, les groupes environnementaux, les urbanistes, les architectes paysagistes, en fait tous ceux qui travaillent à développer des connaissances et qui peuvent offrir des solutions concrètes» pour «faire en sorte de se doter d’une vraie politique nationale de végétalisation», a indiqué Luce Daigneault, directrice générale de Québec Vert.

Économie d’argent et adaptation au climat

La gestion des eaux pluviales est un enjeu majeur au Québec, car dans plusieurs municipalités, les systèmes d’égouts n’ont plus la capacité d’absorber les pluies torrentielles, qui augmentent avec les changements climatiques.

Les rues et trottoirs éponges, les toits verts, les ruelles bleues et vertes, les bassins de rétention végétalisés sont des exemples d’infrastructures vertes qui captent les eaux pluviales, les retiennent et permettent d’éviter des inondations. Mais ces solutions d’adaptation aux changements climatiques basées sur la nature sont également des moyens d’économiser beaucoup d’argent pour les gouvernements, selon Luce Daigneault. 

Elle a donné l’exemple de la ville de Granby qui a installé des «noues végétalisées» dans certaines rues, des sortes de fossés où poussent des plantes et des arbustes qui permettent de réduire les volumes et les débits d’eau pluviale dans les égouts.

«Ces aménagements ont permis à la Ville de diminuer la grosseur de ses tuyaux d’égouts et sur un tronçon d’un peu plus d’un kilomètre, la Ville a économisé 1,4 million de dollars, juste sur un tronçon», a indiqué Mme Daigneault.

Elle a ajouté que «beaucoup de gens connaissent ces solutions», mais «qu’on a besoin de plus de concertation pour qu’il y ait plus de ce type de projets», car «on pourrait être des leaders au Québec, on a vraiment une expertise».

Réseau routier et sécurité

Le réseau routier est menacé d’érosion à certains endroits dans la province, par exemple la route 199 aux Îles-de-la-Madeleine et la 132 en Gaspésie. La végétalisation des berges permet de stabiliser les rives et freiner l’érosion, mais les infrastructures vertes peuvent aussi être utilisées pour diminuer les risques d’accidents sur la route, selon Luce Daigneault.

«Il y a des endroits où il y a de grands coups de vent sur les autoroutes, ce qui cause parfois des accidents, alors comment se fait-il qu’il n’y ait pas plus de haies brise-vent au Québec?» a-t-elle demandé.

Comme son nom l’indique, les haies brise-vent coupent le vent, mais freinent également la neige avant qu’elle n’atteigne la chaussée et réduisent la quantité de glace qui peut s’accumuler sur la route.

Les haies brise-vent, une solution naturelle et peu coûteuse, «augmentent la visibilité des automobilistes» et «si on en mettait sur le bord des autoroutes, je pense qu’on diminuerait le nombre d’accidents», a ajouté la directrice de Québec Vert.

Santé des populations

De plus en plus, les municipalités mettent en place des aires de biorétention naturelles dont la fonction première est de mieux gérer les eaux pluviales et éviter les inondations.

Mais ces projets agissent également sur la santé des populations. La biologiste de Québec Vert, Chloé Frédette, a donné l’exemple de l’aménagement récent du Marais Bellevue à Québec, un bassin de rétention qui permet de filtrer les eaux de ruissellement et aide à la dépollution du lac Saint-Charles, contaminé par différents polluants.

«L’eau arrive dans le système (bassin de rétention naturel), elle est carrément brune, elle est pleine de sédiments, de matières en suspension, et lorsqu’elle ressort, elle est tout à fait clarifiée, donc on peut déjà voir un apport positif», a expliqué la biologiste.

Les espaces verts purifient l’air, rafraîchissent la température ambiante et combattent les effets des îlots de chaleur, a rappelé la directrice de Québec Vert.

Plusieurs études montrent également que les végétaux améliorent «la santé mentale des populations, en abaissant le stress et l’anxiété», a ajouté Luce Daigneault en citant des études de l’Institut national de santé publique du Québec qui indiquent que la présence d’espaces verts aurait également des effets positifs sur la réduction de l’obésité, de l’embonpoint et de la morbidité.

«Il est temps de se regrouper et de partager l’expertise. L’UQAM, l’Université de Montréal, l’Université Laval, ils ont l’expertise, plein de groupes au Québec ont l’expertise», mais «il faut qu’ils aient une voix» pour que «la végétalisation se retrouve au cœur de l’élaboration des politiques publiques»et «c’est pour ça qu’on fait un livre blanc», a expliqué Luce Daigneault.

L’annonce du lancement d’une consultation nationale sur la végétalisation a eu lieu en marge de l’Expo Québec Vert à Saint-Hyacinthe, un rendez-vous annuel de l’industrie de l’horticulture ornementale, environnementale et nourricière qui rassemble annuellement près de 6000 personnes.

Québec Vert compte déposer son livre blanc aux élus de l’Assemblée nationale au printemps 2024.