Poilievre met Trudeau au défi de faire de la «taxe carbone» la question de l’urne

OTTAWA — Les conservateurs souhaitent faire de la tarification du carbone la «question de l’urne» lors des prochaines élections, en misant sur l’inquiétude des Canadiens face au coût de la vie et voyant une fissure dans la cuirasse des libéraux en matière de lutte au changement climatique. 

«Une élection sur la taxe carbone», a proposé le chef Pierre Poilievre, mercredi matin, dans un discours devant son caucus à Ottawa. 

M. Poilievre a aussi déclaré mercredi qu’il avait l’intention de présenter une motion aux Communes pour que le gouvernement étende l’exemption à tous les modes de chauffage domestique, jusqu’aux prochaines élections. Et il souhaite que lors de ce scrutin, on demande aux Canadiens de décider s’ils veulent que la tarification fédérale soit réappliquée sur les combustibles.

«Je veux conclure un accord avec lui», a déclaré M. Poilievre en parlant du chef libéral, Justin Trudeau. «Nous savons tous que nous n’allons pas nous mettre d’accord sur la taxe carbone: il veut l’augmenter, je veux la supprimer, nous le savons tous. On est d’accord là-dessus.»

Les libéraux ont annoncé la semaine dernière que le gouvernement suspendrait pendant trois ans la tarification fédérale sur le mazout domestique, afin de permettre aux Canadiens qui utilisent ce combustible de disposer de plus de temps et d’argent pour le remplacer par une thermopompe électrique.

Le gouvernement libéral double également le montant complémentaire de la remise versée aux Canadiens des régions rurales, reconnaissant qu’ils ont moins d’options pour réduire leur consommation de combustibles fossiles. Ottawa élargit enfin un programme qui aide les Canadiens à acheter une thermopompe.

L’annonce n’a pas été bien accueillie, en particulier dans l’Ouest canadien, où la majorité des ménages utilisent le gaz naturel pour chauffer leur maison — et ne bénéficieront donc pas du sursis lié au seul mazout.

Les libéraux plaident que cette décision tient compte du prix actuel du mazout domestique par rapport aux autres combustibles, et qu’elle tient compte aussi des personnes les plus susceptibles de l’utiliser.

«Le mazout domestique coûte plus cher que les autres formes de chauffage, et le mazout domestique est utilisé de manière disproportionnée par les Canadiens à faible revenu dans les zones rurales du pays qui ont besoin de plus de soutien», a expliqué mercredi le premier ministre Trudeau.

Propos «malheureux» de la ministre

Les libéraux soulignent aussi maintenant que même si une plus grande proportion de Canadiens des provinces de l’Atlantique dépendent du mazout domestique pour se chauffer, seulement le quart des utilisateurs de mazout domestique vivent dans cette région du pays — ils soutiennent que 40 % vivent au Québec, 20 % en Ontario et 10 % dans l’Ouest canadien.

Pourtant, cet argument a été ébranlé, dimanche, lorsque la ministre du Développement économique rural et ministre responsable de l’Agence de promotion économique du Canada atlantique, Gudie Hutchings, a laissé entendre que cette décision répondait aux pressions d’un imposant caucus libéral issu des provinces de l’Atlantique.

En entrevue à l’émission d’affaires publiques «Question Period», de CTV, la ministre Hutchings a laissé entendre que si les Canadiens de l’Ouest voulaient avoir plus d’influence à Ottawa, ils devraient faire élire davantage de députés libéraux.

Le député libéral de la Nouvelle-Écosse Kody Blois a qualifié de «malheureux» les commentaires de Mme Hutchings. ll a affirmé mercredi que ces propos suggèrent, à tort, que la suspension profite davantage au Canada atlantique, alors que trois quarts de million de Canadiens à l’extérieur de cette région utilisent du mazout domestique.

Mais le chef conservateur a sauté sur les remarques de la ministre pour prouver que les libéraux utilisent la tarification du carbone comme une mesure punitive, et non comme une mesure pour lutter contre le changement climatique.

Le «budget de l’an un» du PQ

Le chef conservateur a accusé M. Trudeau jeudi dernier de faire volte-face dans ce dossier — et d’admettre en la suspendant partiellement que cette mesure fédérale coûtait cher aux Canadiens, qui sont aux prises avec une hausse du coût de la vie. 

Devant son caucus, mercredi matin, M. Poilievre s’est même servi du «budget de l’an un» du Parti québécois pour démontrer que «les Québécois ne peuvent plus payer les factures de Justin Trudeau».

Les péquistes «disent que Justin Trudeau a doublé la dette nationale, causé une inflation insupportable, qu’il a doublé le coût de loyer et des hypothèques, a-t-il dit à ses députés.

«Mais je veux juste corriger le Parti québécois: la solution à ce problème économique, ce n’est pas la séparation, c’est en élisant un gouvernement conservateur guidé par le gros bon sens, qui va ramener des prix plus bas.»

Justin Trudeau semble de son côté impatient d’en découdre avec M. Poilievre sur le terrain du changement climatique. «Je pense que les Canadiens sont profondément préoccupés par la nécessité de continuer à lutter contre les changements climatiques de manière à rendre la vie plus abordable pour eux», a déclaré le chef libéral mercredi matin.

«C’est ce que nous faisons et c’est absolument quelque chose que je vais continuer à défendre sans équivoque, alors que M. Poilievre n’a aucun plan pour lutter contre le changement climatique et donc aucun plan pour l’économie.»