Qualité de l’air lors de Diwali: l’avertissement était discriminatoire selon certains

OTTAWA — Au moins deux météorologues d’Environnement Canada ont averti que le fait de lier les feux d’artifice de Diwali à la pollution atmosphérique dans un avis sur la qualité de l’air pouvait être perçu comme discriminatoire, comme le montrent des courriels internes, mais l’avis a tout de même été publié.

Leurs avertissements semblaient fondés. À la fin de la journée, les plaintes avaient afflué en si grand nombre que le ministère a publié à nouveau l’avis sans mentionner Diwali, une fête célébrée par les hindous ainsi que par certains sikhs, jaïns et bouddhistes, et s’est excusé publiquement. 

Un nouveau décret a été publié, stipulant que les avis relatifs à la qualité de l’air ne devaient pas faire référence à des événements spécifiques.

«Veuillez vous en tenir aux explications météorologiques», peut-on lire dans une communication interne adressée aux météorologues et à d’autres membres du personnel d’Environnement et Changement climatique Canada.

Ces communications ainsi que des centaines de courriels et d’autres messages directs figurent dans plus de 400 pages de documents obtenus par La Presse Canadienne grâce à une demande d’accès à l’information.

Ces documents montrent la genèse de la décision de publier l’avis, les avertissements concernant la mention de Diwali dans les jours précédant l’événement ainsi que les conséquences et les retombées au sein du ministère.

Un léger pic de pollution

Tout a commencé après Diwali, en novembre 2021, lorsqu’un moniteur de qualité de l’air a détecté un léger pic de pollution atmosphérique dans certaines parties de la région du Grand Toronto, notamment à Brampton et à Mississauga. L’augmentation a fait passer l’indice de qualité de l’air de risque faible à risque modéré pendant environ quatre heures.

Le personnel a établi que ce pic était dû à des feux d’artifice locaux allumés pour célébrer Diwali, une fête des lumières célébrée chaque automne.

C’est à ce moment-là que les responsables ont discuté de la surveillance de Diwali et ont décidé qu’il serait probablement judicieux d’envoyer un avertissement sur la qualité de l’air avant la fête de l’année suivante.

La date, établie sur un calendrier lunaire, tombe généralement entre la mi-octobre et la mi-novembre de chaque année.

Quatre jours avant Diwali, en octobre 2022, les discussions sur la publication d’un avertissement ont repris. 

Confrontation de points de vue

Au moins deux météorologues ont fait part de leurs inquiétudes, notamment en ce qui concerne le fait qu’aucune alerte n’avait été lancée auparavant pour les feux d’artifice de la fête du Canada.

L’un d’entre eux a suggéré d’impliquer le département des communications avant de procéder. Un autre a déclaré que le fait de cibler des zones spécifiques pourrait être considéré comme «discriminatoire», et que toute décision de publier un avertissement doit être basée sur les conditions météorologiques, et pas seulement sur le fait que le Diwali a lieu.

«La fête du Canada serait un moment plus logique pour commencer» à publier des avertissements sur la qualité de l’air liés aux feux d’artifice, a-t-il souligné, plutôt que de cibler une zone pour une fête.

L’une de ses collègues lui a opposé une fin de non-recevoir en insistant sur le fait que, d’après son expérience, les feux d’artifice de la fête du Canada ne sont pas comparables au nombre et au type de feux d’artifice tirés à l’occasion de Diwali.

«La quantité de feux d’artifice tirés la nuit de Diwali est facilement 50 fois supérieure à celle de toutes les autres fêtes que j’ai connues, y compris la fête du Canada, et je n’exagère pas», a-t-elle dit.

Le protocole établi pour l’avertissement pourrait être adapté à d’autres feux d’artifice, mais c’est à l’occasion de Diwali, l’année dernière, qu’un avertissement a été publié pour la première fois.

Des dizaines de plaintes

L’avis a été diffusé le matin du 24 octobre 2022 et les réactions ont été rapides. À la fin de la journée, la ligne d’information d’Environnement Canada avait reçu 60 plaintes officielles, qualifiant l’avertissement de «raciste», de «honteux» et d’«eurocentrique».

Des messages ont afflué par d’autres voies, notamment par l’intermédiaire de MétéoMédia, qui a envoyé l’alerte via son application mobile.

«Je suis un hindou qui reconnaît que Diwali est un événement religieux important et je crains que ce message n’incite les citoyens qui ne célèbrent pas Diwali à s’en prendre aux hindous pour la pollution de l’air autour d’eux», a écrit une personne.

Plusieurs autres personnes ont demandé pourquoi de tels avertissements n’avaient pas été diffusés à l’occasion de la fête du Canada.

Le personnel d’Environnement Canada s’est alors empressé de réagir, faisant appel à des experts en communication et à des cadres supérieurs pour l’aider.

Outre la publication d’un nouvel avis ne mentionnant ni Diwali ni les feux d’artifice, il a été décidé qu’à l’avenir, seules les conditions météorologiques seraient mentionnées dans les avertissements. 

Un phénomène automnal

Un expert en qualité de l’air est intervenu pour expliquer qu’il y a des raisons météorologiques pour lesquelles les feux d’artifice de l’automne — pour Diwali ou un autre événement — causent davantage de pollution atmosphérique que ceux tirés à la fin du printemps ou pendant les mois d’été.

Cela est dû en grande partie à ce que l’on appelle une «inversion de température», dans laquelle l’air à la surface est en réalité plus froid que l’air au-dessus.

Ce phénomène est courant à l’automne, particulièrement après le coucher du soleil, qui se produit beaucoup plus tôt en octobre qu’en juillet. Ce phénomène tend également à piéger la pollution de l’air plus bas, provoquant une augmentation de celle-ci dans les relevés de la qualité de l’air.