Un comité sénatorial propose des remèdes à l’islamophobie

OTTAWA — Un comité sénatorial affirme que la haine envers les musulmans doit être combattue par l’ajout de nouvelles infractions criminelles, par l’éducation et par moins de «partis pris» dans les vérifications du statut fiscal des organismes religieux. 

Dans un rapport publié jeudi, le Comité sénatorial des droits de la personne indique que l’islamophobie se propage en ligne et dans les médias, et affirme que cela contribue à une augmentation des crimes motivés par la haine contre les musulmans qui ont été documentés au pays.

«L’islamophobie constitue une menace grave pour les musulmans canadiens et une action urgente est nécessaire», a déclaré la présidente du comité, la sénatrice Salma Ataullahjan.

«Nous devons nous engager à construire un pays plus inclusif et à mieux protéger nos parents, nos amis, nos voisins et nos collègues musulmans», a-t-elle ajouté, lors d’une conférence de presse sur la colline du Parlement.

Mme Ataullahjan a indiqué qu’elle et ses collègues ont entendu des communautés musulmanes à travers le pays qui ont été confrontées à des incidents qui semblent violer les lois pénales, mais qui n’ont pas donné lieu à des poursuites.

«Les femmes d’Edmonton — la plupart d’entre nous, sénateurs, étions en larmes lorsqu’elles nous ont raconté leurs histoires à propos de la fréquence à laquelle on leur arrache leur hijab, on leur jette du café dessus et on leur crache dessus. Et il y a eu des incidents plus violents.»

Le rapport appelle à plus de lois, mais n’entre pas dans les détails, et la sénatrice Mobina Jaffer a dit que «c’est une question très difficile» de déterminer les lacunes existantes.

«Même ce qui figure dans le Code criminel n’est pas appliqué», a-t-elle dit aux journalistes.

«Mais ce que nous avons entendu de la part des communautés à travers le pays (c’est) qu’il devrait y avoir des crimes spécifiques d’islamophobie ou d’antisémitisme, qui traitent spécifiquement des problèmes auxquels les communautés musulmane et juive sont confrontées.»

Les sénateurs recommandent notamment que l’Agence du revenu du Canada(ARC)fasse des efforts accrus pour réduire les «partis pris» dans ses audits d’organisations caritatives musulmanes, que des militants ont jugés excessifs.

L’Office de surveillance des activités en matière de sécurité nationale et de renseignement a affirmé plus tôt cette année qu’elle enquêtait sur l’agence du revenu en réponse à des allégations selon lesquelles une division de l’ARC chargée de prévenir le financement du terrorisme avait injustement ciblé les organisations caritatives.

La sénatrice Ataullahjan affirme également que la représentante spéciale du Canada chargée de la lutte contre l’islamophobie, Amira Elghawaby, a besoin d’un budget supérieur aux 5,6 millions $ sur cinq ans qu’on lui a alloué en janvier, affirmant qu’il existe un besoin évident d’une meilleure éducation du public.

Le comité a déclaré qu’il souhaitait que les organismes fédéraux de défense des droits de la personne soient en mesure de traiter les plaintes pour haine en ligne. Il a ajouté qu’une ligne d’assistance téléphonique fédérale devrait être créée afin que les gens puissent signaler les crimes motivés par la haine.

Pour y parvenir, a-t-elle dit, la population a besoin d’une meilleure éducation, ainsi que de médias qui n’encouragent pas les attitudes préjudiciables.

«À la base, l’islamophobie est enracinée dans des stéréotypes préjudiciables et de la désinformation sur les musulmans, qui proviennent souvent d’une mauvaise interprétation des concepts religieux islamiques», a dit MmeAtaullahjan.

Le comité a noté que les crimes haineux contre divers groupes sont en augmentation, Statistique Canada signalant une augmentation de 71 % des crimes contre les musulmans signalés par la police en 2021, par rapport à l’année précédente.

Toutefois, les sénateurs ont souligné que l’islamophobie n’est pas une nouveauté au Canada et que c’est un phénomène qu’ils ont vécu personnellement.

Mme Jaffer a raconté qu’elle avait prêté serment en tant que première sénatrice musulmane du Canada une semaine seulement après les attentats terroristes du 11 septembre 2001, qui ont été suivis par une montée du sentiment antimusulman.

«Lorsque mon mari et moi sommes montés dans l’avion pour Vancouver après ma cérémonie d’assermentation à Ottawa, nous avons été soumis à une inspection intense et aléatoire», a-t-elle déclaré aux journalistes.

«Mon mari et moi sommes tous deux appelés dehors, et mon mari et moi avons dû nous déshabiller complètement. C’est ce que j’entendais par intense, et je ne souhaite cela à personne», a-t-elle ajouté.

«De nombreuses autres inspections dites aléatoires ont eu lieu chaque fois que j’ai pris l’avion. Et je suis sénatrice, une parlementaire. Si cela m’arrive, à votre avis, à quoi ressemble la vie des musulmans ordinaires?»