Une fois sorti du gymnase, Christian Mbilli s’assure de ne pas penser à la boxe

MONTRÉAL — Avec une fiche immaculée de 26-0 (22 K.-O.) et sa place au sein des différents classements mondiaux, Christian Mbilli sait très bien qu’il n’a pas de marge de manoeuvre pour ses prochains combats. C’est pourquoi il essaie de penser le moins possible à la boxe dès qu’il sort du gymnase.

«C’est rare que je traîne avec des boxeurs, c’est rare que je regarde des combats, a déclaré l’athlète de 29 ans au cours d’un entretien avec La Presse Canadienne plus tôt cette semaine. Ça en surprend plusieurs quand je dis ça, mais j’ai aussi une vie à mener, j’ai des objectifs personnels. Je fais tout ce que je dois faire dans le gym. Ça m’aide à me calmer psychologiquement de savoir que j’ai tout fait ce que je pouvais. Après, je m’assure d’avoir la meilleure hygiène de vie qui soit.»

Cette hygiène de vie l’a mené jusqu’aux Jeux olympiques de Rio de Janeiro, en 2016, où il a représenté la France, sa patrie d’adoption après avoir quitté le Cameroun en compagnie de ses parents, à l’âge de 11 ans. Elle l’a aussi mené parmi les quatre premiers aspirants mondiaux aux quatre ceintures à 168 livres, toutes détenues par «Canelo» Alvarez.

S’il veut continuer d’alimenter les discussions d’un éventuel combat de championnat du monde, il n’a pas droit à l’erreur. C’est pourquoi son combat du 25 mai prochain, à Shawinigan, face à l’Anglais Mark Heffron (30-3-1, 24 K.-O.) est si important.

«Malheureusement, (l’absence de marge de manoeuvre) me trotte souvent dans la tête. Je n’ai plus le choix de m’améliorer et je ne peux pas me dire que ça va bien aller. Je ne peux absolument pas sous-estimer mes adversaires. C’est pour ça que je pense que j’ai la bonne mentalité. Chaque combat pour moi est un championnat du monde et je donne mon maximum. Je touche du bois!», a-t-il dit. 

C’est aussi pourquoi il s’assure de trouver des façons de ne pas crouler sous la pression. Pour s’évader, il s’intéresse notamment à l’immobilier. 

«J’ai toujours un peu grandi avec une fibre d’entrepreneur, ajoute celui qui détient la ceinture Continentale des Amériques du WBC, qu’il mettra en jeu le 25 mai. J’apprends aussi des boxeurs du passé. On a tous quelques boxeurs en tête qui n’ont pas su mettre les pions où il le fallait ou qui ont carrément terminé ruinés. C’est un peu ma phobie. Je veux m’assurer de quitter ma carrière de boxeur comme rentier, pour faire ce que j’aime faire.»

Mbilli a donc retapé quelques propriétés pour les revendre (ce qu’on appelle des ‘flips’) avant la pandémie, mais depuis que la vie a repris son cours normal, c’est davantage vers les immeubles à revenus qu’il s’est tourné. Celui qui est maintenant citoyen canadien ne veut d’ailleurs pas développer son parc immobilier pour le quitter une fois sa carrière terminée.

«J’essaie d’avoir des ‘hobbies’, de m’occuper un petit peu. Je tente d’acquérir un ‘plex’ actuellement, de m’impliquer un peu plus dans l’immobilier, malgré les taux d’intérêt! Je veux maintenant me lancer dans l’immobilier à long terme. Comme mes combats sont maintenant un peu plus espacés, je tente de me trouver un projet qui ne me demande pas trop de temps, mais qui me permette de placer mes pions pour mon après-carrière», a-t-il expliqué. 

«Je suis arrivé au Québec autour de 21-22 ans, c’est le seul environnement économique que j’aie connu. J’ai quelques projets en France, mais cet environnement, je ne le connais pas, car je n’y ai pas fait d’expérience. Le Québec, c’est tout ce que je connais», a poursuivi Mbilli. 

La France occupe néanmoins toujours une grande place dans son coeur, et il est très heureux qu’on ne l’ait pas oublié dans l’Hexagone. On lui a d’ailleurs fait le très bel honneur de le désigner comme porteur de la flamme olympique en vue des prochains Jeux d’été de Paris.

«Je suis très content!, a-t-il admis sans détour. La flamme passera dans ma ville, où j’ai commencé la boxe; la ville où j’habitais quand je suis déménagé en France à l’âge de 11 ans, Montargis. Quand la liste des villes pour le parcours de la flamme est sortie, c’est tout naturellement qu’Éric Gaudet, qui est très impliqué dans les sports à Montargis, a donné mon nom. Pour la municipalité, c’était naturel d’avoir un ancien athlète olympique pour y porter la flamme.

«J’ai été très surpris, ça m’a beaucoup touché et j’ai bien hâte de porter la flamme, a ajouté Mbilli. C’est un signe qu’on ne m’a pas oublié. J’espère qu’on n’est pas sur le point de le faire, même si je demeure et fais mes performances loin de la France.»

Mbilli compte d’ailleurs redonner à son premier pays d’adoption une fois qu’il sera champion.

«Le sujet a déjà été abordé avec Camille (Estephan, président d’Eye of the Tiger Management). Je lui ai dit que j’espère faire un grand Centre Bell, un grand Centre Vidéotron, mais aussi défendre les ceintures à Paris et pourquoi pas au Cameroun? (…) Il y aurait moyen de rentabiliser cet événement, avec les bons soutiens (au Cameroun).»

Et Mbilli, qui pense à tout, a déjà un amphithéâtre en tête pour la France.

«(Le Palais omnisports) Paris-Bercy, j’ai l’objectif de le remplir. Mais on en a aussi parlé avec Camille: Roland-Garros, ça fait énormément rêver», a reconnu le pugiliste. 

Le mythique stade de tennis accueillera les rondes éliminatoires du tournoi olympique de boxe et Mbilli s’y verrait bien soulever la foule pour défendre un titre mondial.

Ne reste plus que le problème de ravir les ceintures à Alvarez.

«Canelo fait un peu ce qu’il veut. Mais après (mon) prochain combat, on commence notre contrat avec Top Rank et ESPN. C’est une question de temps: les gros combats viendront», a-t-il mentionné­.

«David Benavidez est monté chez les mi-lourds, comme David Morrell. Il commence à y avoir plus d’espace (chez les super-moyens). Canelo a beau faire ce qu’il veut, il ne boxera pas jusqu’à 40 ans. Je pense qu’il commence à voir qu’il connaît une baisse à certains niveaux. Soit il devra défendre ses ceintures contre un adversaire que les partisans demandent, soit il se retirera et les ceintures seront libres. C’est une question de temps tout ça», a-t-il résumé. 

«Est-ce que je suis bien positionné? Je ne sais pas. Mais j’ai une équipe qui donne son maximum. (…) Je serai champion du monde. Ça prendra six mois, un an ou deux ans, mais je serai champion du monde», a conclu Mbilli, avec aplomb.